Vivre malgré tout

Publié le par Ondine Venezia

 Elle en parlait tous les jours depuis quelques mois. Elle avait toujours senti l’absurdité, le côté auto-destructeur de ces créations infernales. Mais ses pensées, peu à peu, s’étaient concentrées sur ça. Une sorte d’étau avait enserré son espace vital interne, l’oppressant davantage de jour en jour. Bien sûr, elle n’y pensait pas nuit et jour. Elle vivait aussi. Et parce qu’elle vivait, parce qu’elle aimait tant la terre, et les lieux où celle-ci était caressée par la mer et le vent salé, elle ne pouvait admettre que les hommes aient eu l’inconscience, l’impudence, la fatuité de mettre en péril ce miracle de vie.

 

Et voilà. Ce qu’elle redoutait s’était produit. La nature avait protesté, comme elle le faisait parfois. Mais aujourd’hui, elle avait déclenché, malgré elle sans doute, ce qu’il aurait fallu considérer comme un signe. C’était là-bas, sur une île, où des hommes vivaient, où des hommes mouraient à présent.

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L’homme le savait, pourtant, depuis toujours qu’il inventait des contes, des romans et des textes religieux. Il le savait trop bien, que tout n’était qu’un incessant recommencement, que monter toujours plus haut rendait l’inéluctable chute plus douloureuse. Dans ses rêves de puissance, dans son désir d'éternité, sa détresse était-elle si profonde qu’il ne songeât qu’à se perdre ? Trop d’intelligence pour si peu de pouvoir. Etait-ce si insupportable ?

 

Et maintenant ? Qu’allait-il faire ? Une autre voie ne s’ouvrait-elle pas ? Les peuples qui, les premiers, avaient cherché à abolir la haine, les despotismes, à construire la nouvelle Babel, allaient-ils laisser les nouveaux tyrans, les maîtres du feu, les fantoches du capitalisme, les Ubu de la mondialisation, les fous couronnés de verroterie jouer avec des outils qu’ils croyaient maîtriser, avec la Terre, qu’ils savaient ne pas maîtriser, avec la Vie, dans leur démence désespérée ?

 

Elle ne savait plus trop s’il fallait se révolter, au nom de la vie, ou si tout combat était vain. Les hommes étaient-ils seuls avec leurs doutes, leurs rêves, leurs désirs de bonheur, leurs pathétiques espoirs, leurs combats contre la mort, et leurs paradoxales pulsions de mort ? Est-ce que cela avait du sens de lutter ? Mais, pourtant, elle voulait encore, malgré tout, voir dans le cœur de l’humanité une pépite d’espérance, oh, pas grand-chose, un instinct animal de survie, peut-être, ou, malgré le sentiment d’être floué, comme une gratitude de vivre pour éprouver la palette des sentiments, pour apprendre que l’homme est un monde insondable aux gouffres dangereux, aux tumultes tempétueux, aux ressources mal exploitées, aux beautés éblouissantes et aux mystères infinis.images[2]

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